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« Il boit pour trouver et, aussi, pour effacer ses mensonges à sa femme, des mois durant, son addiction aux jeux en ligne »

Précédemment : Audrey voit son mari Olivier s’éloigner dans la nuit à bord d’un zodiac. Elle apprendra le lendemain qu’il ne reviendra pas sur le bateau.
Avachi plus qu’accoudé au bar ­extérieur de l’écovillage balnéaire planté là en bord de mer, au milieu d’une baie désertique du Sud profond égyptien, à peine retenu par sa colonne vertébrale, abandonné par toute forme d’énergie vitale, il n’ose plus bouger ni respirer, sous le choc. Seuls ses yeux balaient la scène de droite à gauche. Autour de lui, rien d’autre qu’un bougainvillier qui dégueule ses ondes fuchsia sur les lattes en bois composant la terrasse du restaurant, le serveur habillé de beige, ton sur ton avec les sièges, les poufs, les tentures, qui opère des allers-retours au buffet débordant de victuailles à une cadence qui laisserait entendre que l’hôtel est plein, qu’il est charrette, un instant monsieur s’il vous plaît, alors que tous les établissements du bord de la mer Rouge sont vides, sinon il n’aurait jamais trouvé de chambre dans un tel lieu, comme ça, en arrivant en pleine nuit par la mer, hirsute, les yeux fous, sur son petit Zodiac beaché à la sauvage sur la plage au pied des parasols de l’hôtel.
C’est le contact du sable devenu bouillant sous ses pieds nus qui lui fait prendre conscience qu’il a pensé au portefeuille, au passeport, aux clés du domicile familial, au pull, aux chaussettes mais pas aux chaussures. Il vient donc de quitter le navire, la croisière qu’il a organisée, sa femme et ses amis, le tout sans chaussures.
Il ne saurait dire depuis combien de temps, une heure ou six, il se trouve là à boire à la chaîne des mojitos chargés trop sucrés. Il est forcé de constater que sa porte intérieure, ancienne, lourde, ­fortement verrouillée sur ses chiens noirs furieux et avides, s’est rouverte d’un coup, en très grand, pour laisser passer les vents violents et soulager de manière fugace la pression intenable, l’indomptable détestation de soi. Il sait une chose, une seule : il faisait nuit quand il a débarqué et maintenant il fait jour.
Au travers du brouillard élucidé de son ivresse, il perçoit en face de lui, ancré plus loin dans la baie, le voilier de 15 mètres coque en aluminium sur lequel il a embarqué quelques jours plus tôt, plein d’excitation et d’une joie enfantine, pour une croisière de plongée sur des épaves et des récifs autrefois rêvés. Sa femme et ses amis doivent être au fond de l’eau, entre 25 et 30 mètres, à se laisser porter le long d’un des plus gros massifs coralliens au monde. Tandis qu’il boit et ne voit pas bien ce qui va pouvoir l’arrêter. Il veut boire jusqu’à se vomir lui-même, pour effacer la honte et la nuit passée, pour dissoudre ce qui s’est passé entre lui et Marwan.
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